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Cet article a 2 commentaires

  1. Vlad

    Je vis avec le VIH depuis l’été 1992. Je l’ai su quelques mois après, en février 1993. Le choc, la sidération, évidemment. A l’époque, il n’y avait pas encore les trithérapies et on ne savait pas qu’elles allaient arriver un jour.

    Mais paradoxalement, dès le début, j’ai ressenti une sorte… d’optimisme. Bon, j’avais de la chance aussi, car, apparemment, le VIH n’arrivait pas à trop entamer mon système immunitaire qui tenait bon. Il y a deux facteurs dans les analyses sanguines pour suivre l’évolution du virus après une contamination – la charge virale et les CD4 – type de cellules immunitaires. Chez moi la charge ne montait vraiment pas haut et les CD4 ne baissaient pas beaucoup.

    Cependant, je me savais avec une sorte d’épée de Damoclès au dessus de ma tête et malgré mes modestes moyens d’étudiant, j’essayais de manger correctement, je faisais du sport, en me disant qu’il faut aider comme on peut l’organisme dans la lutte contre le virus. En revanche, mentalement, le poids était là, d’autant plus que je ne pouvais pas, je ne voulais pas partager ça ni avec ma famille (qui n’était même pas officiellement au courant de mon homosexualité), ni avec mes amis.

    Je ne voulais pas leur faire de la peine, car même si moi j’arrivais à ne pas déprimer et je gardais la tête haute, je savais que si je leur disais, ils allaient s’inquiéter terriblement et me regarder presque comme un condamné à mort. Objectivement, d’ailleurs, avant 1996 et l’arrivée des trithérapies, je l’étais.

    Les dix premières années de ma séropositivité se sont donc déroulées ainsi, dans la vie d’un étudiant qui faisait des piges de journaliste à côté, dans la vie d’un jeune gay qui multipliait les rencontres en quête de «l’âme frère ». Et ici je disais systématiquement, à mes rendez-vous, que j’étais séropo, pour que l’autre puisse décider pour lui-même s’il voulait quand-même de la proximité.

    S’en est suivi une longue période de dépression – même si on tient bon au niveau analyses biologiques, le mental ne suit pas et à la longue le poids psychique de la séropositivité n’est pas facile à porter. Je vous passe les détails, mais c’était une vraie descente aux enfers personnels.

    Quinze ans de VIH et je rencontre celui qui devient mon copain et en 2018 – mon mari. Il est séropo aussi, depuis bien moins longtemps que moi, mais doit déjà commencer une trithérapie. Comme mes résultats commençaient à décliner, j’ai sauté le pas et on a initié le traitement ensemble.

    Et voila, déjà presque 18 ans depuis, on s’entraide dans tout – si l’un est ‘bas’, l’autre arrive à le ‘porter’ et vice versa… Bon, on a de la chance que ça arrive à tour de rôles et pas en même temps. Et voilà, la vie avec le VIH, la Vie tout court, continue…

  2. Barthé

    1984. Mes 12 ans. Ma puberté, le sida. C’est ainsi que l’on disait alors. Le sida. J’ai appris récemment que j’appartenais à la génération X. Moi, je dirais X comme sida. La maladie. La mort. Des images de plus en plus présentes, presque médiévale, dans leur rapport à l’impuissance de la l’homme face à la maladie, à l’arbitraire de la mort.

    Quand on est un jeune homme qui sent qu’il y a toujours quelque chose qui nous échappe dans la sexualité. Qui comprend aussi que l’on peut se préserver de la contamination, mais que cela implique une totale maîtrise de soi, tout le temps, partout. Quand on est ce jeune homme, on angoisse. Je me souviens, au lycée, en cours de bio, quand le sida est enfin devenu pour moi le HIV. Un virus, plus une maladie. Je me souviens m’être senti mal à l’aise. Convaincu que j’étais destiné à ‘ça’. Entre peur et une forme d’attrait. J’avais alors déjà tendance à érotiser ce que je craignais. Ça joue, non? Je trouve que l’on parle peu, dans les espaces et temps de prévention, de ce lien entre Éros et Thanatos. Difficile à dire.

    Jeune adulte, je me suis protégé. Sans faille. Pendant des années. D’abord par peur de la contamination. Ensuite par peur de contaminer. Sans le savoir. J’étais en couple et, finalement, c’était elle que je protégeais en utilisant des préservatifs par ailleurs. Elle n’ignorait rien. Je l’aimais. Je me protégeais.

    Mais, justement, l’idée de se protéger, soi, n’est pas si évidente que cela. En tout cas pas pour tout le monde. Après la maltraitance subie enfant, adolescent, après le rejet par l’ensemble de la famille (sans aucun lien avec le fait d’être gay), lorsque je me retrouve seul et célibataire à Paris, je mène une vie libre et pleine de rencontres. Je ne me pose pas la question de la protection, c’est un réflexe. Un jour, un mec me demande ‘t’es plombé?’: je lui demande d’expliquer, je ne comprends pas ce qu’il veut dire.

    2001, je fais un écart. J’accepte un rapport non protégé. C’est arrivé ‘comme ça’. Sauf qu’à cela s’ajoute soudain le plaisir du risque. De l’interdit. Je fais un test: négatif. L’angoisse en attendant les résultats fut telle que je promets de ne plus jamais céder. Et je tiens parole. Pendant deux ans. 2003. J’ai 31 ans. Je romps avec ce qu’il me restait de famille. Je romps la promesse que je me suis faite. Je vis seul. J’ai des amis, mais personne qui puisse me dissuader de céder au désir de ‘me brûler les ailes’. Là aussi, ça arrive sans crier gare.

    ‘Avec ou sans capote?’ Je m’entends répondre ‘sans’. C’est alors que j’enchaîne les relations ‘sans’. Et que je fais la rencontre de quelqu’un qui vivra à travers moi son propre fantasme de contamination. Lui se protège, mais il me regarde prendre le risque à sa place. Par ailleurs, il me traite exactement comme on m’a traité enfant. Et moi, je suis accro à sa violence. Ben oui, il faut le dire, il n’est pas rare que les maltraitances engendrent l’éternelle et terrible quête de ce que l’on a vécu, la seule chose que l’on sache véritablement vivre. Je ne le tiens pas pour responsable de ma contamination. J’étais son objet consentant. Et il sera essentiel par la suite, pour que mon lent travail de reconstruction soit efficient, que je ne rejette la responsabilité de mes choix sur personne. Pas même sur un homme effectivement maltraitant. Je ne suis pas une victime.

    12 mars 2004. J’ai fait un test et c’est le jour des résultats. Un homme en blouse blanche, barbu, pas souriant, me demande: ‘vous avez pris des risques?’ Je réponds que oui. Il me tend alors la feuille des résultats, en commentant: ‘Ben voilà’! Fort heureusement, je devais ensuite passer devant un psy qui, lui, a pris le contre-pied du médecin, en me déculpabilisant. Pour lui, j’étais comme un Ayrton Senna, prenant des risques et qui avait joué de malchance. C’était la vie, quoi!

    Plus tard, un ami médecin me dira qu’il valait mieux être séropositif que diabétique, que c’était désormais une maladie chronique. Mon généraliste précisera: ne changez rien à vos projets de vie! Il n’empêche que je me fixai pour but de vivre encore au moins 10 ans. Eh oui, on ne se débarrasse pas si facilement de l’image de mort ‘médiévale’ de la ‘maladie’.

    2006. Je rencontre celui qui deviendra 12 ans plus tard mon mari.

    2007. Je commence à prendre un traitement.

    Aujourd’hui, je suis indétectable. Pas d’effets secondaires issus de mes médicaments. Je fais face à d’autres problèmes de santé. Je me reconstruis encore et toujours. Mon mari est séropositif depuis bien plus longtemps que moi. Nous formons un couple compliqué mais uni et indéfectiblement solidaire. Je ne me suis jamais caché aux yeux de personne. Les personnes que je côtoie connaissent mon statut sérologique. Je ne me sens différent de personne de ce fait. J’ai 52 ans. Désormais, mon ‘objectif’ est de vivre centenaire. Même si c’est peut-être la question la plus entêtante: comment vieillit-on avec le HIV? Mais je crois que toute personne ayant des problèmes de santé, quels qu’ils soient, se pose ce genre de question, alors…

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