Le 25 novembre 2025 avait lieu en amont de la SFLS 2025 une rencontre entre personnes vivant avec le VIH. De ce moment d’échange et de travail est ressorti ce texte lu en séance plénière à la SFLS, qui a porté, au-delà de la salle, une parole collective forte et légitime
« NOUS remercions chaleureusement le collectif interassociatif ainsi que la SFLS de nous offrir cet espace de parole. Nous exprimer aujourd’hui, ici, n’est pas un geste anodin. C’est affirmer l’importance et la légitimité des personnes séropositives dans l’élaboration des outils d’accompagnement et politiques qui les concernent. Et à un moment où la lutte contre le VIH se retrouve menacée de toutes parts, à l’échelle nationale comme internationale, notre présence et notre parole sont plus que jamais indispensables.
Nous sommes là pour rappeler, comme nous le disons depuis 1983, que « Rien ne se fera pour nous sans nous », mais aussi pour dire avec une voix ferme et claire : « Cela ne tient plus ».

Cela ne tient plus pour les personnes séropositives qui font face à une précarisation croissante. Cela ne tient plus pour les associations communautaires qui ont porté historiquement le poids le plus lourd de la lutte contre le VIH et qui, aujourd’hui, se voient mises en danger par le manque de moyens. Cela ne tient plus parce que le système de santé français est fragilisé comme jamais, les déserts médicaux s’étendent, les soignants s’épuisent, les délais explosent et les files d’attente deviennent la norme.
Cela ne tient plus parce que les politiques d’austérité rabotent les moyens essentiels, les financements internationaux dédiés au VIH diminuent, les engagements des États reculent et les priorités politiques se déplacent au détriment des plus vulnérables.
Les avancées biomédicales n’ont jamais été aussi puissantes. La prévention fonctionne. Les traitements permettent une gestion de plus en plus simple de l’infection. Pour la première fois depuis 40 ans, la possibilité d’en finir réellement avec le SIDA n’est plus seulement un slogan mais un horizon crédible.
Mais cet horizon n’est accessible qu’à une seule condition. Il faut que les personnes concernées soient placées au cœur de la construction des réponses, mais il faut SURTOUT que les moyens et les politiques suivent. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Certes, l’expertise née du vécu des personnes séropositives est clairement établie, mais cela ne sert pas à grand-chose si les inégalités se creusent de plus en plus, si la précarité augmente, si les conditions de vie, les institutions, les droits les plus élémentaires, comme se soigner correctement, se nourrir dignement ou vivre librement, sont attaqués de front. Les constats, nous les connaissons. Les solutions existent. Ce qui manque, c’est la volonté politique, les moyens et l’organisation adéquate pour les appliquer.
C’est pour replacer la parole des personnes directement concernées au centre de la stratégie d’accompagnement et soin, que les États Généraux des Personnes Vivant avec le VIH ont été organisés à Paris en 2024. Dans la continuité de cet événement, nous, personnes séropositives d’Occitanie, nous sommes rassemblées pour traduire les réflexions nationales en actions concrètes, adaptées à nos territoires et à nos vies.
Après des mois de discussions et d’ateliers, parmi les nombreuses recommandations émises par les États Généraux nationaux, nous en avons retenu 4 prioritaires, qui forment désormais notre feuille de route et nos exigences communes. Le 25 novembre dernier, nous avons consacré une journée entière à concevoir leur mise en œuvre pratique dans les mois à venir. Nous vous présentons aujourd’hui pour chaque recommandation l’action prioritaire que nous souhaitons voir mise en œuvre pour
- Assurer un parcours de soins complet et coordonné, ainsi qu’une prise en charge globale de la santé. La première action proposée pour retrouver son pouvoir d’agir sur son parcours de soins c’est de connaître tous les accompagnement de santé globale qui existent et se les approprier en tant que personne agissante, s’y reconnaître, et de se sentir en capacité de collaborer avec le corps médical. Une plateforme recensant toutes les activités de l’ETP, des accompagnements associatifs, aux accompagnements sociaux, les programmes, les calendriers et les contacts des professionnel sur l’ensemble de la région. L’idée, c’est que chacun et chacune puisse construire son propre parcours de soins, à partir de ses besoins, de ses priorités et de ses envies, tout en replaçant son vécu du VIH dans tous les domaines de la vie au delà du cadre médical. Que chacun et chacune soit outillé.e face à tout ce qui devient différent quand on est séropo : notre parcours pro, nos retraites, les aides auxquelles nous pouvons prétendre. Cette plateforme qui réunira toutes les infos nécessaires, nous permettra de construire sur mesure et à notre rythme notre parcours de santé. À partir des informations disponibles, chacun et chacune pourrait composer son propre programme, suivre ses avancées, identifier ses ressources et rester actrice, acteur de son parcours de santé.
- Mettre en place une politique réelle et ambitieuse de lutte contre les discriminations, et tout particulièrement contre la sérophobie. Le constat est clair : aujourd’hui encore, le message I = I (Indétectable égale Intransmissible), est mal connu, mal compris ou mal approprié, aussi bien par le grand public que par certaines personnes vivant avec le VIH (et même parfois par des professionnels de santé!). Il est nécessaire donc de continuer à diffuser ce message de manière large, claire et institutionnelle, en s’appuyant sur les canaux des acteurs de santé publique et des collectivités : ARS, CPAM, départements, communes, leurs réseaux sociaux, newsletters, pages d’accueil, pour toucher tout le monde là où l’information circule.
- Réduire les inégalités territoriales dans l’offre de soins. Dans certains départements, les personnes vivant avec le VIH sont loin des structures, isolées ou confrontées à des ruptures d’accompagnement. En s’appuyant sur le diagnostic territorial réalisé par l’ARS, il s’agit de déployer dans chaque département des permanences ou structures mobiles sanitaires, sociales et juridiques, non identifiées VIH, pour aller vers les personnes, rapprocher les ressources et garantir une égalité d’accès aux soins, aux droits et au soutien. On ne peut pas accepter qu’une personne soit mal suivie ou pas accompagnée uniquement parce qu’elle vit loin d’un centre hospitalier ou dans une zone sous dotée.
- Garantir de bonnes conditions de vie et un vieillissement digne. Aujourd’hui, près de la moitié des personnes vivant avec le VIH dans notre pays ont plus de 50 ans, et au moins un tiers plus de 60 ans. Nous vivons plus longtemps et c’est une victoire considérable, mais vieillir avec le VIH ne doit pas devenir un nouveau champ de précarité. Il est donc urgent de se pencher sur la question du logement et de l’accompagnement des personnes séropositives vieillissantes, en proposant des alternatives aux EHPAD, comme des logements partagés ou des dispositifs renforcés de maintien à domicile. Dans tous les cas, l’inclusivité et la prise en compte de la vie affective et sexuelle des résidents doivent être primordiales. Nous devons de faire évoluer les regards et les pratiques, pour que vieillir avec le VIH soit possible dans la dignité, le respect et la liberté.
Dès janvier 2026, des groupes de travail seront constitués et par la suite, nous interpellerons directement l’ensemble des instances compétentes, dont le CORESS, l’ARS, la CPAM et la MDPH, entre autres. Il leur appartient de prendre leurs responsabilités et d’apporter des réponses tangibles à des besoins qui, pour certains, sont immédiats et vitaux.
Enfin, des actions de plaidoyer viendront soutenir notre démarche. Rien ne change sans pression. Rien ne change sans courage collectif. Rien ne change si nous n’affirmons pas avec force que la santé, la dignité et l’autonomie ne sont pas négociables. Elles sont la base même de nos droits citoyens et humains.
Nous, personnes séropositives d’Occitanie, serons là pour rappeler que la lutte contre le VIH et le SIDA n’est pas derrière nous. Elle est devant nous. Et elle doit être menée avec détermination, avec lucidité et surtout avec celles et ceux qui la vivent tous les jours.
Merci beaucoup. «

